30 août 2013

Pourquoi les panneaux d'affichage des trains à l'arrivée sont-ils si minuscules ?


    Jeudi, 15h21, gare Montparnasse. Même si ce n’est pas pour demain, je me dis qu’il faut que je m’entraîne à écrire dans l’optique de mon futur périple. Ecrire sur le vif, dans l’instant, parce que la vision, le souvenir, les sensations ressenties sont éphémères. L’exercice est difficile.
    Je ne me rappelle plus quelle auteure (Amélie Nothomb ?) disait sur France-Inter ce matin qu’elle s’obligeait, hiver comme été, à écrire chaque jour de 15h00 à 17h00, pour favoriser l’écriture. Sûrement a-t-elle raison ? Parce que là, sous cette voûte, malgré les bruits, les voix, les passages et toute l’activité d’une des plus grandes gares de France, je ne suis pas en verve. Je n’ai jamais apprécié les gares. Synonymes d’arrivée. De départ surtout. Sinon pourquoi les panneaux d’affichage des départs seraient-ils toujours plus grands que les panneaux d’affichage des trains à l’arrivée qu’il faut toujours aller lire sur de minuscules écrans de télévision bicolore que l’on peine à trouver* ? A priori, il y a bien autant de départs que d’arrivées. Pourquoi alors privilégier le départ, synonyme de rupture, à l’arrivée, symbole de rencontres ?
    Peut-être est-ce cette notion de départ qui m’a marqué, parce qu’étudiant, j’y ai souvent accompagné un amour qui rentrait au foyer familial pour le week-end, alors que moi je restais dans une ville avec laquelle je n’ai jamais fait vraiment corps ... Il me semble aussi que je ne suis pas homme de foule, mais plutôt celui des petits comités, des têtes à têtes, voir des têtes à rien. Et puis, depuis que je me suis mis dans la tête de voyager à pied, les gares ... et bien, les gares, je n’y passerai sûrement jamais.
    Le train en provenance d’Hendaye via Saint-Jean de Luz Ciboure, Biarritz, Bayonne, Dax et Bordeaux arrivera à 15h42 voie 9. Tiens, Biarritz. Je souris. Peut-être est-ce dans une de ces voitures que je monterai un jour pour te rejoindre ?

    Un pigeon termine son vol plané aux pieds d’une dame qui porte un sac estampillé Trégastel. Signe du destin que cette association de Biarritz et Trégastel, deux stations balnéaires qui sont sur le chemin que j’ai tracé le long des côtes d’Europe dans l’optique d’un futur reportage ? Trois agents de la sûreté ferroviaire patrouillent lentement tandis que j’ai hérité d’un jeune voisin de banc, casque Philips sur les oreilles, plongé dans un manga. En face, une adolescente tapote des deux mains sur un I-Phone noir. Départ précipité de mon bouquineur de manga pour la voie 23. J’hérite d’une Indienne en sari blanc dont le premier réflexe est de tapoter à son tour sur son téléphone mobile noir laqué. Une nymphe blanche, tirant avec légèreté une volumineuse valise noire surmontée d’un pochon en papier kraft, traverse les rangées des bancs pour s’engouffrer au comptoir des informations SNCF. C’est fou comme certaines personnes diffusent une grâce communicative ! Combien d’hommes rêvent à cet instant d’être la valise noire ?

    Mon indienne s’est déjà évaporée, une svelte femme mariée occupe maintenant la place à ma droite. Elle a immédiatement sorti un livre de son large sac en cuir brun rosé et l’a ouvert à l’emplacement d’un marque-page : "Troisième partie, le paradis des écrivains". Autre clin d’œil du destin alors que je réfléchis à comment raconter ce qui défile devant mes yeux ?
    Hormis l’adolescente fascinée par son I-Phone, les autres personnes assises sont toutes à lire. Ouf, le livre traditionnel n’est pas encore mort !
    Voie 6, un photographe prend une position tarabiscotée pour tenter le cliché d’un TGV. Trois gamines passent en courant dans un bruit de tongs en bois qui clapotent sèchement sur le béton du quai. Une demi douzaine d’agents SNCF poussent des fauteuils roulants. L’arrivée du train approche et plusieurs personnes s’agglutinent au début du quai. Il y a trop de jolies filles dans une gare ! Peut-être les femmes pensent-elles la même chose de la gent masculine ?
Un chauffeur fait les cent pas, l’oreille gauche collée à son mobile, en serpentant au milieu de tous ceux qui attendent à la voie 6. A la main, il tient une feuille A4 sur laquelle une personne appliquée a tracé d’un large feutre noir en lettres capitales le nom LEROY. Sur les écrans géants, le dernier album de Stromae, √, s’affiche.

    A exactement 15h42, le train en provenance d’Hendaye déverse son flot de passagers à la voie 9. Peut-être viendras-tu m’attendre sur le quai ?

* sauf à la gare d'Austerlitz où dès l'entrée panneaux des arrivées et des départs accueillent les visiteurs dans un format identique et clairement lisible :









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